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Notre-Dame de-Briançon[modifier | modifier le code]

Les origines

C’est bien à ce nom que doit rester attachée une histoire industrielle d’une importance exceptionnelle.

C’est, en effet, sur ce site qu’ont porté leur choix Moissan qui dispute à l’Américain Wilson le titre d’inventeur du carbure de calcium et Bullier son plus proche collaborateur.  On ne saurait sous-estimer l’importance de l’événement car ce carbure a été à la base de la carbochimie et donc de l’industrie liée à la chimie organique et devait le rester jusqu’au développement de la filière pétrochimique dans la deuxième moitié du XXe siècle. Or Notre-Dame-de-Briançon est la première usine conçue et réalisée spécialement pour cette fabrication. La basse Tarentaise présentait des conditions optimales. D’une part, elle venait d’être desservie par la voie ferrée, prolongée en 1893 d’Albertville à Moûtiers. D’autre part, à défaut de pouvoir équiper la trop faible pente de l’Isère, l’Eau Rousse, son affluent de rive gauche, détournée de sa gorge de raccordement, a pu être équipée d’une chute de 224 mètres avec un débit de 2 m3/seconde.  Cette centrale est toujours en activité avec une puissance installée de 3,8 MW et un productible annuel de 17 GWh. Quand elle s’est avérée insuffisante, il a été possible de la seconder   dès 1899 par la centrale de La Rageat, sur le doron des Belleville, distante de 13 km, elle aussi est toujours en service sous une chute de 361 mètres avec un débit de 4 m3/seconde, une puissance installée de 13 MW et un productible de 43 GWh[22].

L’évolution jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale

 
Usine de ND de Briançon en 1920. A droite (rive gauche de l'Isère) la centrale électrique et le carbure , à gauche les produits azotés
Usines de ND de Briançon en 1960
 
Usines de ND de Briançon en 1960. La CISA à gauche (rive gauche de l'Isère) la SERS à droite (rive droite)

Ainsi fut fondée la Société des Carbures Métalliques dont la fabrication devait être ininterrompue de 1898 à 1962. Son empreinte devait marquer durablement la vallée car elle était complétée par un atelier d’acétylène et pendant la Deuxième Guerre mondiale la lampe à acétylène a souvent pallié les nombreuses défaillances du réseau. Le carbure étant commercialisé en bidons métalliques, ceux-ci ou leurs couvercles, transformés en tôles, ont servi de toitures à bien des baraquements de fortune. De façon moins anecdotique, on a assisté à une intégration technique car, dans un souci d’autonomie, a été lancée une fabrication d’électrodes de carbone dont étaient équipés les fours de carbure de calcium. L’approvisionnement était favorisé   par la proximité des mines d’anthracite de La Mure, en Isère, matière première de ces électrodes.  En outre, en 1906 fut ouvert un atelier de cyanamide calcique, engrais azoté mis au point par Henri Gall, membre fondateur de la Société des Carbures, temporairement reconverti en fabrication d’explosifs pendant la Grande Guerre.    Il a été édifié en rive droite de l’Isère, face au « Carbure », implanté en rive gauche   à côté de la centrale électrique. En 1920, de la fusion entre la Société des Carbures et celle des Electrodes est née la S.E.S (Société des Electrodes de la Savoie). Cette dernière était désireuse de consolider sa présence sur le marché, encore très modeste dans le haut de gamme, des électrodes graphitées. D’où la décision de développer ce département en association avec la société américaine détentrice du brevet Acheson : en 1932, naissait ainsi la Compagnie industrielle Savoie-Acheson (C.I.S.A).La rive gauche de l’Isère s’enrichit ainsi de nouveaux bâtiments. On prit l’habitude d’aller travailler « aux Américains ». Les deux établissements employaient 750 personnes en 1939.[23]

 
Au premier plan l'usine Carbone Savoie et au second-plan, à gauche, Petit-Cœur. Sur la gauche le viaduc du Champ-du-Comte. Vue depuis le château de Briançon (été 2018).

Les Trente Glorieuses : essor de la production

Plan des usines de ND de Briançon en 1970
 
Plan des usines de ND de Briançon en 1970

Elles ont été un véritable âge d’or pour les usines de Notre-Dame-de-Briançon. D’une part, nos industriels ont réalisé au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale que les produits carbonés pouvaient aussi bien être utilisés en tant que produits réfractaires  pour leur bonne tenue à haute température : c’est la firme de Wendel elle-même qui a souhaité équiper ainsi creusets et étalages  c’est-à-dire la base de ses  hauts-fourneaux et elle a directement incité  la direction de la SES à prendre cette nouvelle orientation. L’importance prise par ce débouché a justifié en 1952 son changement de raison sociale : elle est devenue la SERS (Société des Electrodes et Réfractaires de la Savoie). C’est une grande fierté pour Notre-Dame-de-Briançon que d’avoir équipé les complexes sidérurgiques les plus modernes de l’époque comme Sidmar, aux portes de Gand, en Belgique, et Usinor, à Dunkerque. D’autre part, le marché des électrodes a poursuivi sa progression. La SERS est devenue la servante de l’industrie de l’aluminium, essentiellement pour la fourniture de cathodes. On peut prendre la mesure de cette croissance en observant la courbe des tonnages de produits malaxés (dernier stade de fabrication commun aux divers ateliers de la SERS) : ils ont plus que septuplés entre 1950 et 1970 !  L’exportation de l’ensemble des productions représentait 55 % des ventes totales au début des années 1970, bien davantage encore pour les seules cathodes. La CISA, devenue Union-Carbide en 1971, affichait des performances voisines pour ses ventes de produits graphités. 0n ne s’étonnera pas de la progression des effectifs employés sur les deux rives de l’Isère : au premier janvier 1974, 596 à Union-Carbide, 469 à la SERS.[24]

Le recrutement du personnel

Il s’est posé dès l’origine.  Les deux communes de Notre-Dame-de-Briançon et de Petit-Cœur totalisaient 418 habitants en 1896 et la paysannerie locale du bassin d’Aigueblanche était difficile à mobiliser car c’est à la belle saison que sa présence était le plus requise sur l’exploitation.  Elle se serait accommodée d’un travail saisonnier pendant l’hiver. Hormis les cadres, il ne fallait pas compter sur l’immigration de l’intérieur de l’Hexagone. Il faut toutefois signaler une exception notoire : le métallurgiste Antoine Croizat. Son fils Ambroise, né en 1901 à Notre-Dame-de-Briançon, devait compter parmi les personnalités de premier plan du parti communiste. Devenu ministre du Travail de 1945 à 1947, il est considéré comme le fondateur de la Sécurité Sociale.[25] La ville de Moûtiers devait le choisir comme éponyme de son lycée. Il a donc été fait appel massivement à l’immigration italienne. Aux Piémontais très majoritaires jusqu’au lendemain de la Grande-Guerre ont succédé de nombreux ouvriers originaires de la Vénétie et du Frioul, régions durement éprouvées parce que situées sur le front austro-italien pendant le conflit.[26] En ajoutant le 250 personnel de l’usine contiguë de Château-Feuillet, on comptait un millier d’ouvriers sur le même site en 1939.[27]

Services d'autocars pour les ouvriers-paysans vus par l'humoriste
 
Services d'autocars pour les ouvriers-paysans vus par l'humoriste. Il est midi à l'horloge; relève des 3 X 8

En 1975, ils étaient encore 596  à Union-Carbide  et 469 à la SERS, soit un  total de 1065, 1485 en  ajoutant les 420 de Château-Feuillet après, sans doute, une réduction des effectifs entre temps. Il faut noter de profonds changements dans le recrutement depuis la Deuxième Guerre mondiale. Alors   s’est d’abord confirmé le mouvement amorcé dès avant 1939.   Les mesures sociales du Front Populaire (congés payés, semaine de 40 heures) avaient rendu plus attractif le travail salarié en usine et surtout plus compatible avec la tenue d’une exploitation agricole. Si la Deuxième Guerre mondiale a marqué un temps d’arrêt dans ce mouvement, on a assisté pendant les années 1950 à une explosion du nombre d’ouvriers-paysans, particulièrement intéressés par le fonctionnement en trois équipes de huit heures. L’aire de recrutement, grâce aux services d’autocars communs aux trois usines s’est élargie à de nombreuses communes, y compris celles de montagne. Sont mis à contribution non seulement celles du bassin d’Aigueblanche et celles de basse Tarentaise mais également celles du Berceau tarin, autour d’Aime au prix de migrations-alternantes très éprouvantes.[28]

 

 

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La situation était très différente au début des années 1970 par la conjonction de deux phénomènes. D’une part, la politique de logement des industriels avait d’abord favorisé le rassemblement de la main-d’œuvre à proximité des usines. Les constructions formaient ainsi une longue traînée sur le fond de vallée sous forme d’immeubles ou même à Petit-Cœur, d’une cité à laquelle la pollution avait valu le surnom de quartier nègre. La population ouvrière s’est d’autant plus lassée de ce voisinage que les halls de fabrication dévoraient davantage d’espace. Elle était plus encore désireuse de fuir les fumées et poussières des cheminées d’usine. Devenue plus mobile grâce à la bicyclette et à la voiture, elle souhaitait échapper à la présence obsédante du cadre de travail en prenant ses aises dans un cadre champêtre. D’autre part, on a assisté à un profond changement des mentalités dans le monde des ouvriers-paysans. Ceux-ci, lassés par les épuisantes migrations alternantes, de moins convaincus des bénéfices de la double activité  ont choisi de se fixer en fond de vallée. Ces deux mouvements convergents se sont traduits par une évolution inverse. Les communes de Notre-Dame-de-Briançon et de Petit-Cœur marquent un fort déclin démographique :  la population de Notre-Dame-de-Briançon est passée de 1261 habitants en 1954 à 732 en 1975, celle de Petit-Cœur de 1033 à 712 dans la même période. Les grandes bénéficiaires ont été les communes d’Aigueblanche, Bellecombe et Grand-Cœur qui totalisaient 1098 habitants en 1946 contre 2502 en 1975[29].

Le redéploiement.

Au début des années 1970, le site de Notre-Dame-de-Briançon est apparu trop exigu pour répondre aux exigences de la croissance. Il a donc fallu songer au redéploiement géographique. Cette tendance avait déjà été amorcée par la SES dès 1935 : une opportunité avait été alors saisie de prendre le relais à Vénissieux, en banlieue lyonnaise d’une Société Française des Electrodes en faillite. Faute de place, au début des années 1970, les deux tiers des produits filés à Notre-Dame-de-Briançon y étaient cuits et usinés. Mais en cette période des Trente Glorieuses s’ouvrent des perspectives mondiales : l’avenir est en bord de mer. La SERS s’est redéployée à Port-de-Bouc en 1973 et crée une filiale au Japon  dans l’île de Shikoku   en 1974 en association avec la société Showa-Denko : Showa-Savoie. De son côté, Union-Carbide a décidé de créer un nouvel établissement à Calais. Ces stratégies de littoralisation semblent toutefois compatibles avec la survie des usines savoyardes qui conservent les fabrications les plus élaborées : l’atelier ouvert par la SERS  à Port-de-Bouc est consacré aux seuls produits crus, première phase de la fabrication ; et  à Calais à partir de 1976  la CISA ne produit que les électrodes de plus gros diamètre, entre 450 et 500 mm dont la moitié sera exportée[30].

Quelle stratégie de survie ?

Le destin de nos usines savoyardes après les Trente Glorieuses semble lié au déplacement des centres de décision. Le bilan établi au milieu des années 1980 reste positif. En 1985,  la SERS avec 384 emploie 384 salariés, UCF 370 soit au total  754.  Le recul semble considérable depuis 1975 où l’on en comptait 1065. Mais à la SERS les décisions sont toujours de la responsabilité du groupe Pechiney dans lequel elle a été intégrée depuis la formation du groupe PUK en 1972. Un gros effort de modernisation a été engagé. Il a porté à la fois sur l’automatisation des tâches aux différents stades d’élaboration et sur l’adoption d’une nouvelle technologie dans la calcination de l’anthracite avec d’énormes économies de dépenses d’énergie, une accélération du processus et une meilleure homogénéité des produits finis. Les conditions de travail ont été considérablement assainies et les nuisances sur l’environnement fortement diminuées. La CISA est devenue UCF (Union-Carbide France) mais semble s’engager également dans le renouvellement de ses fabrications en s’entourant d’un certain mystère.[31]

Plan de Carbone Savoie en 2018 process = bâtiment de la graphitation
 
Plan de Carbone Savoie en 2018. Le "process" est le hall de la graphitation
Partie amont des bâtiments de Carbone Savoie en 2018
 
Partie amont des bâtiments de Carbone Savoie en 2018. A droite la conduite forcée

Les transformations intervenues dès la fin du XXe siècle donnent un peu le tournis. Tous les espoirs semblaient encore permis lorsque la SERS s’est donné le nouveau nom de Carbone-Savoie en 1993. Quand elle a été rachetée par le groupe Union-Carbide, les deux usines n’en formant désormais plus qu’une mais  Pechiney conservait encore 30 % du capital de la filiale dénommée UCAR. En 2004 ont été sont larguées les dernière amarres avec les intérêts traditionnels lors du rachat de Notre-Dame-de-Briançon par le Canadien ALCAN racheté à son tour en 2007 par Rio-Tinto, leader mondial de la production d’aluminium. Notre usine savoyarde ne pesait désormais plus très lourd dans la stratégie de ce géant mondial. L’effectif employé est tombé à  602 (665 en ajoutant Vénissieux) en 2005 puis  à 386 (496 avec Vénissieux)  en 2010.  Non seulement tous les investissements cessent mais certains ateliers sont fermés. Cette chronique d’une fermeture annoncée prend les dimensions d’une affaire nationale avec une forte mobilisation syndicale à l’initiative du responsable syndical Jean-Luc Pozzalo, concrétisée par la venue sur le terrain de Laurent Berger, nouveau secrétaire de la CFDT.[32] Les pouvoirs politiques ne peuvent se désintéresser de l’affaire : ils sont à l’origine du rachat de Carbone-Savoie par le fonds de retournement Alandia Industries en 2016. A cette date, il y va du maintien de 285 emplois à Notre-Dame-de-Briançon (391 en comptant Vénissieux). Par-delà le devenir de Carbone-Savoie est organisée à Notre-Dame-de-Briançon une conférence sur le thème de « la défense de la filière des métaux dont l’aluminium en France et en Europe » en présence du très médiatique député européen Edouard Martin[33].

Est-il possible d’évaluer les chances de réussite du renflouement de Carbone-Savoie et de sauver les 251 emplois actuels (345 avec Vénissieux) ? La direction se montre confiante, et affiche des résultats flatteurs avec un chiffre d’affaires de 95 millions d’euros. Elle mise sur la qualité exceptionnelle de ses fabrications qui lui valent la fidélité de ses 90 clients répartis sur les cinq continents.  Une comparaison entre les cartes de 1970 et 2017 en fait foi. Non seulement nombre d’anciens clients sont restés fidèles à leur fournisseur traditionnel mais de nouveaux ont été gagnés en Asie surtout (Etats du golfe arabo-persique, Inde). Au total, 95 % du chiffre d’affaires est réalisé à l’exportation. Carbone Savoie se taille environ 20 % du marché mondial en matière de fournitures cathodiques. Mais de nombreux concurrents sont aux aguets en Russie, en Chine, en Angleterre, au Japon, en Pologne. Le maintien de la compétitivité est entre les mains du laboratoire de recherches de Vénissieux. La prudence commande par ailleurs de s’assurer des relais de croissance dans un autre domaine que les cuves d’électrolyse de l’aluminium où Rio Tinto avait cantonné exclusivement Carbone-Savoie depuis 2006[34].

Date de dernière mise à jour : mercredi, 05 septembre 2018

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