INFO JURIDIQUE
Bonjour à toutes et tous,
Nous traversons, et allons continuer de traverser malheureusement, une période difficile en termes de restructurations, et/ou de destructions d’emplois.
Dans notre ligne de l’action syndicale préventive abordée en CDF, il nous semble important de faire, ou refaire, un focus sur les informations écrites et précises que le CSE doit recevoir lors de ces consultations.
Le Code du travail prévoit que le comité social et économique, afin d'émettre ses avis et vœux, dispose d'un délai d'examen suffisant et « d'informations précises et écrites transmises ou mises à disposition par l'employeur, et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations » (C. trav., art. L. 2312-15, al. 1er et al. 2)
Modalités de communication des informations au CSE
L'article L. 2312-15 du Code du travail dispose que les informations écrites et précises sont mises à disposition ou transmises par l'employeur. Ces informations sont :
- Soit spécifiquement remises par l'employeur au CSE
- Soit éventuellement mises à sa disposition dans la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) lorsque le comité est consulté dans le cadre des trois grandes consultations récurrentes
(C. trav., art. L. 2312-17 : orientations stratégiques, situation économique et financière, et politique sociale, conditions de travail et emploi).
La mise à disposition des informations au sein de la BDESE pour certaines consultations ponctuelles est également possible si l'accord mettant en place la BDESE l'autorise.
⚠️ Le CSE doit obtenir de la documentation économique et financière remise dans le mois qui suit son élection (C. trav., art. L. 2312-57)
⚠️ Dans le cadre de l’anticipation de difficultés économiques, le CSE a tout intérêt à utiliser son droit de recours à l’expertise (voir tableau joint – 2 pages)
Informations « précises » à remettre au CSE
Sauf pour certains types de consultation, le contenu et la nature des informations à communiquer au CSE ne sont pas définis par la loi.
La Cour de cassation a toutefois posé le principe selon lequel l'information du comité doit être « complète et loyale » (Cass. Soc., 30 sept. 2009, no 07-20.525)
Elle précise que l'utilité et la loyauté des informations fournies s'apprécient « au regard de la nature et des implications du projet en cause » (Cass. Soc., 10 juill. 2013, no 12-14.629)
Cette information complète suppose également que l'employeur ait « fourni au comité des réponses claires et précises sur l'ensemble des questions posées » (Cass. Soc., 9 févr. 2000, no 98-12.143)
⚠️Exemple de demande écrite que peuvent faire les équipes CFDT à l’employeur :
« Au regard de la nature et des implications du projet, le CSE réclame les informations listées ci-après (ou – réclame les réponses aux questions listées ci-après), complètes et loyales, afin de pouvoir rendre un avis éclairé et motivé à la consultation portant sur… ».
L'employeur est tenu de communiquer les documents complets lorsqu'ils sont nécessaires à l'expression de l'avis du CSE (Cass. Soc., 26 févr. 2020, no 18-22.759).
Tel est notamment le cas pour une liste nominative des salariés, volontaires ou non, s'agissant d'une consultation sur un projet de création de poste relevant du volontariat (Cass. Soc., 26 juin 2024, no 22-24.488)
Informations écrites à remettre au CSE
Les informations que l'employeur doit présenter au CSE doivent être sous une forme écrite et donc donner lieu à l'établissement d'un ou de plusieurs documents ou d'une mise à disposition dans la base de données économiques, sociales, et environnementales.
En ce qui concerne les mesures les plus importantes et lourdes de conséquences pour les salariés, c'est un véritable dossier que l'employeur devra constituer et remettre au comité, mentionnant :
- — l'exposé des motifs comportant l'explication précise des raisons conduisant la direction à envisager cette mesure (préserver la pérennité de l'entreprise, s'adapter aux évolutions technologiques, faire face à la concurrence, etc.)
- — la description détaillée de la mesure elle-même en indiquant précisément en quoi elle consiste, les secteurs de l'entreprise concernés, le nombre de personnes touchées, les modalités d'application et les mesures d'accompagnement envisagées
- — les éventuels documents nécessaires pour que le CSE puisse exprimer un avis éclairé (études préalables, « benchmark », cahier des charges, cartographie des risques, etc.)
- — les conséquences sociales de la mesure sur les salariés, c'est-à-dire ses répercussions en termes d'emplois, de qualifications, de conditions de travail, de rémunération, etc.,
- — le cas échéant, les conséquences environnementales de la mesure envisagée.
⚠️ Le comité ayant pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant une prise en compte permanente de leurs intérêts (C. trav., art. L. 2312-8), il convient de ne pas perdre de vue que sa consultation porte par définition sur des décisions susceptibles d'entraîner des conséquences sur la situation des salariés.
Informations remises préalablement à la réunion du CSE
Le comité social et économique, lorsqu'il est consulté, doit disposer d'un délai d'examen raisonnable des informations reçues par l'employeur et d'un temps de réflexion.
Ce principe résulte de l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne selon lequel : « Les travailleurs ou leurs représentants doivent se voir garantir, aux niveaux appropriés, une information et une consultation en temps utile, dans les cas et conditions prévus par le droit communautaire et les législations et pratiques nationales ».
La portée de ce principe européen est précisée par l'article 4 de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, qui dispose que : « L'information s'effectue à un moment, d'une façon et avec un contenu approprié, susceptibles notamment de permettre aux représentants des travailleurs de procéder à un examen adéquat et de préparer, le cas échéant, la consultation. »
Les informations ne doivent donc pas être données au dernier moment, juste avant la réunion et encore moins en début de séance car le CSE doit avoir le temps de prendre connaissance du dispositif projeté, d'y réfléchir, d'échanger avec les salariés concernés et de se faire une opinion.
⚠️ En tout état de cause, c’est dans le R.I. du CSE, obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés (C. trav., art. L 2315-24) qu’il convient de déterminer le délai de remise de documents. Un délai de remise des informations d'au moins une semaine avant la réunion paraît raisonnable. Il peut difficilement être inférieur aux délais de trois ou huit jours correspondant à l'envoi de l'ordre du jour aux membres du CSE ou du CSE central.
Action en justice du CSE en cas d'informations insuffisantes
Si le CSE estime que les informations mises à disposition ne sont pas complètes ou ne lui permettent pas de se prononcer en toute connaissance de cause, il peut saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, afin qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants (C. trav., art. L. 2312-15, al. 4)
Ce recours doit être engagé dans de brefs délais car la saisine du juge ne prolonge pas en elle-même les délais de consultation.
S'il est saisi avant l'expiration du délai de consultation, le juge peut prolonger ou fixer un nouveau délai de consultation (Cass. Soc., 26 févr. 2020, no 18-22.759)
Le délai commencera à courir à compter de la communication de ces éléments complémentaires (Cass. Soc., 30 janv. 2019, no 17-23.025)
Cette solution est ouverte au CSE quand bien même l'employeur aurait commencé à mettre en œuvre son projet (Cass. Soc., 26 févr. 2020, no 18-22.759)
Dans le cadre de la procédure accélérée au fond Le juge peut, à la fois ordonner la communication des documents manquants et interdire à l'employeur de mettre en œuvre le projet litigieux tant que le comité n'aurait pas reçu les informations qu'il estime nécessaires (Cass. Soc., 26 juin 2024, no 22-24.488)
S'agissant d'une procédure accélérée au fond, la saisine du juge s'entend de la date de délivrance de l'assignation, non pas celle de la remise de la copie de l'assignation au greffe (Cass. Soc., 9 oct. 2024, no 23-11.339)
⚠️ Le CSE saisissant le juge pour qu'il ordonne à l'employeur de communiquer les informations manquantes, doit clairement préciser les documents d'information manquants, sous peine pour le comité de voir sa demande rejetée (Cass. Soc., 1er juill. 2020, no 18-24.746). D’où la nécessité de faire par écrit la demande des documents que le CSE estime être nécessaire (voir plus haut : « informations précises à remettre au CSE »)
Limite du pouvoir du syndicat
D’après le code du travail, les syndicats peuvent devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent (C. trav., art. L. 2132-3).
La chambre sociale en déduit qu’un syndicat peut demander en référé les mesures de remise en état destinées à mettre fin à un trouble manifestement illicite affectant cet intérêt collectif et notamment la suspension d’une mesure prise par un employeur tant que ce dernier n’a pas procédé aux informations et consultations obligatoires (Cass. Soc. 24 juin 2008, n°07-11411)
En ce sens, la Cour de Cassation a jugé un syndicat recevable à demander en référé la suspension du règlement intérieur d’une entreprise en raison de l’absence de consultation des institutions représentatives du personnel. En revanche, il n’est pas recevable à demander au tribunal judiciaire par voie d’action au fond, la nullité de l’ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité aux salariés pour ce motif. (Cass. Soc. Du 21 septembre 2022, n°21-10718).
En revanche, dans le cadre d’une action judiciaire sur le défaut d’informations du CSE, le syndicat ne peut pas demander la communication à son profit de documents qui, selon lui, auraient dû être transmis au comité (Cass. Soc., 11-9-12, n°11-22014) ni exiger la remise au comité de documents que celui-ci n’a pas réclamés (Cass. Soc., 16-12-14, n°13-22308).
Le syndicat ne peut pas non plus demander, à la place du CSE, la désignation d’un expert.
En cas de consultation irrégulière du CSE (informations transmises par l’employeur jugées insuffisantes) et d’inaction de l’instance sur ce point, le syndicat ne peut contester, devant le juge, la validité d’une consultation qui s’est tenue.
En résumé
Il est impératif que le CSE dispose d’informations écrites et précises, ainsi que d’une réponse motivée de la part de l’employeur, afin de pouvoir rendre un avis éclairé et formuler des vœux.
Si les informations ne sont pas suffisamment claires, précises et détaillée, le CSE est en droit de considérer que les conditions de sa consultation n’ont pas été respectées.
La procédure peut alors être bloquée jusqu’à transmission par l’employeur d’informations complémentaires.
⚠️ Dans tous les cas, l’employeur ne peut pas communiquer les documents relatifs à la consultation et demander de rendre un avis au cours d’une même réunion du CSE
En effet, à défaut d’accord, l’article R2312-6 du Code du travail fixe un délai de :
1 mois pour rendre l’avis en cas de simple consultation ;
2 mois pour rendre l’avis en cas de recours à expert ;
3 mois pour rendre l’avis en cas d’une ou plusieurs expertises intervenant à la fois au niveau du CSE central et d’un ou plusieurs CSE d’établissement.
Il y a donc bien 2 réunions distinctes : 1 réunion d’information et 1 réunion de consultation (au plus tôt le mois suivant) et ce, même si le CSE ne se réunit qu’une fois tous les 2 mois.
⚠️ Si le CSE ne rend pas son avis dans les délais impartis, il est réputé avoir rendu un avis négatif.
Date de dernière mise à jour : vendredi, 24 janvier 2025
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