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taxes sur les importations

TRUMP POSE LA BONNE QUESTION, LE PRIX DEGRADE DES METAUX, MAIS SE TROMPE DE REPONSE

L’EUROPE NE DOIT PAS REPONDRE PAR UNE GUERRE COMMERCIALE AUX PROVOCATIONS DE DONALD TRUMP

Donald Trump annonce des taxes sur les importations d’aciers de 25% et sur l’aluminium de 10% de manière indiscriminée, contrairement aux propositions du Département du commerce qui introduisait une distinction entre les alliés des États-Unis et les autres.

La Commission européenne menace, Emmanuel Macron suit, Eurofer est sur les dents et, pourtant, l’Europe n’exporte que peu d’aciers et d’aluminium aux États-Unis et, dans tous les  cas, des aciers à haute valeur ajoutée que souvent les États-Unis ne produisent pas. Les chiffres 2017 totalisent 3 Mt d’aciers et 300 K tonnes d’aluminium exportés aux États-Unis. 

Les mesures de rétorsion apparaissent donc disproportionnées de la part des Européens et, surtout, elles sont dangereuses, car elles étendent la guerre commerciale à d’autres produits, une spirale qui n’a pas de fin autre que le protectionnisme généralisé, un engrenage qui fait penser à la crise de 1929.

Ceci précisé, on nous explique que le danger réel résiderait donc dans le déversement des aciers qui ne seraient plus vendus aux États-Unis et seraient proposés sur les marchés européens à l’instar des aciers turcs ou brésiliens. Si cela se vérifiait, ces importations seront repoussés par les mesures anti-dumping mises en place par l’UE s’il y a lieu.

Mais revenons aux motivations des États-Unis.

UNE TAXE QUI AUGMENTE LES PRIX DE L’ACIER ET LES PROFITS AUX ÉTATS-UNIS

La sidérurgie américaine bénéficie déjà de prix supérieurs sur son marché grâce aux mesures anti-dumping et anti-subventions appliquées à la quasi-totalité des importateurs d’aciers, l’écart est d’environ +100 US$/tonne par rapport aux prix européens.

Sur un total consommé de 115 Mt, les États-Unis importent 35 Mt d’aciers en 2017, principalement des aciers courants en provenance du Brésil, de Russie, d’Inde, de Turquie et de Corée du Sud et, pour des tonnages très faibles, des aciers spéciaux à haute valeur ajoutée notamment en provenance d’Europe.

La taxe de 25% avantagerait donc les usines sidérurgiques des États-Unis qui, si elles avaient des réserves de capacité immédiatement disponibles augmenteraient leur production d’aciers.

Or, ce n’est pas le cas à court terme, et il faudrait attendre plusieurs années pour que de nouvelles capacités de production avec une main-d’oeuvre compétente soient prêtes à produire.

La taxe de 25% se traduira donc par une augmentation du prix des aciers de 25% quelle qu’en soit la provenance. Le prix du coil à chaud a ainsi atteint 1 000 US$ la tonne cette semaine ; s’il était maintenu, ce prix permettrait de stopper le glissement continu du prix des aciers depuis de nombreuses années.

En renchérissant les produits importés, la taxe permettra aussi aux producteurs étatsuniens d’augmenter leurs profits très sensiblement, soit une aubaine qui explique le plein soutien des industriels à la mesure proposée par le président Trump.

Elle est soutenue par les syndicats rassemblés dans l’United Steel workers (USW) qui, en revanche, demandent une exception pour le Canada et y voient la possibilité de sauvegarder leurs emplois et de contrecarrer le vieillissement de leurs usines, menacées par de nombreuses années de sous-investissements.

Pour l’aluminium, la situation est différente, car de nombreuses fonderies ont fermé au cours des dernières années aux États-Unis et des capacités sont plus rapidement productives. Mais là encore, ce n’est pas un problème pour l’Union européenne qui elle-même importe 40% de sa consommation et n’exporte que très marginalement aux États-Unis.

LE PARADOXE CHINOIS ET LE PARI POLITIQUE DE DONALD TRUMP

Au-delà de ces différences, le paradoxe des mesures Trump serait d’exempter la Chine de toute responsabilité alors que, dans l’acier comme dans l’aluminium, la dépression structurelle des prix trouve sa source dans les surcapacités de production de l’Empire du milieu. Et de cela Trump ne se soucie pas.

Le fondement juridique de la mesure annoncée par Donald Trump est la sécurité nationale, laquelle passe par la sauvegarde des industries de l’acier et de l’aluminium qui restent deux industries stratégiques. Pour y arriver la taxe est censée générer de nouveaux profits pour financer un effort d’investissement devenu impératif dans les équipements comme dans la formation et le savoir-faire de la main-d’oeuvre.

C’est le pari de Donald Trump : transformer les profits en investissements, un raisonnement qui marche à l’échelle de l’économie – et encore mais qui ne marche jamais à l’échelle d’un secteur industriel.

Ainsi, si la question posée est la bonne, à savoir comment générer suffisamment de moyens financiers pour sauver la sidérurgie étatsunienne, le moyen protectionniste mis en oeuvre est inadapté.

Il vaudrait mieux donner un prix au carbone équivalent aux 25% de taxe qui s’appliquerait aux producteurs nationaux comme aux importateurs, afin qu’ils dotent les aciéries et les alumineries de procédés bas carbone et remplacent les vieilles usines par des neuves grâce aux recettes carbone issues de ces investissements.

C’est un raisonnement qu’il conviendrait d’appliquer également à la sidérurgie européenne qui, de la même façon, sera sous la menace des sidérurgies chinoise et émergentes pour de nombreuses années.

Date de dernière mise à jour : vendredi, 09 mars 2018

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