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Usage du 49,3!!!

Certes, le Gouvernement d’Emmanuel Macron n’a pas manqué de détourner l’usage de l’article 49.3 de la Constitution (https://www.facebook.com/100001335820455/posts/2708657665855401/?sfnsn=scwspwa&extid=EDuFWEsOCHaGePU2&d=w&vh=i et en version complète sur https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=OrYVkirprM4) et avons entendu la colère de plusieurs sections à l’encontre de cette gouvernance autoritaire (en sus des multiples ordonnances du projet de Loi, de l’interruption des débats en Commission…).

Mais ce procédé ne saurait :

- tout au plus, qu’accélérer de quelques jours les débats afin d’éviter au Gouvernement le télescopage avec ses ambitions lors des très prochaines élections municipales, n’empêchant nullement l’examen par le Sénat, ni un retour à l’Assemblée Nationale en 2ème lecture… soit un calendrier estimé jusqu’en juin prochain,

- ni nous détourner d’une étude au "fond" du projet, tant de son ambition dévastatrice que ses innombrables supercheries (à commencer par le titre même du projet de Loi).

Reprenant donc le fil suite à une p’tite pause ayant permis à chacun.e de souffler après deux mois d’intense mobilisation, à chaque section de continuer à œuvrer avec pédagogie auprès des collègues, sur ce projet de réforme à points sur l’ensemble de la carrière… même si le positionnement de la Direction confédérale demeurera pour toujours une énigme (sauf à s’expliquer par l’entrisme au sein des instances de notre organisation).

La retraite à points ne sera pas plus égalitaire

Guillaume Duval - Alternatives Économiques - 27/02/2020

 

Selon le gouvernement, le futur système de retraite sera plus redistributif que l’actuel. Mais c’est lié uniquement à des mesures qui pourraient être mises en œuvre sans réforme systémique.

Des retraites moins inégalitaires. C’est l’un des principaux arguments de vente du gouvernement : grâce à la réforme qu’il propose, le futur système universel de retraite sera plus redistributif que l’actuel. Problème, ce résultat est lié à des mesures qui n’ont rien à voir avec les retraites à points et pourraient être mises en œuvre dès aujourd’hui, sans chambouler le système de retraite.

Dans l’étude d’impact du projet de loi, un tableau est censé convaincre toutes les personnes sensibles à la question des inégalités du bien-fondé de la réforme. Selon les projections du gouvernement, celle-ci aurait en effet pour résultat de réduire sensiblement les inégalités : pour la génération née en 1980, le rapport interdécile, c’est-à-dire le ratio entre la pension la plus basse des 10 % les mieux dotés et la plus haute des 10 % les plus pauvres, ne serait plus que de 5, contre 7 avec le système actuel. Une baisse impressionnante. Il en irait de même pour le coefficient de Gini, un autre indicateur d’inégalités.

 

C’EST LA PENSION MINIMALE QUI FAIT LA DIFFÉRENCE

Mais si on y regarde de plus près, les choses se compliquent. Du côté des plus petites retraites, le gouvernement propose de rehausser à 85 % du Smic la pension minimale. Dans le futur système, cette pension minimale revalorisée devrait, selon le gouvernement, représenter une part croissante des dépenses et concerner plus du quart des futurs retraités des générations 1975 et suivantes, contre moins de 20 % si on conservait le système actuel. Pour y avoir droit, il faudra cependant attendre d’avoir atteint l’âge pivot (ou d’équilibre) que le gouvernement a prévu (et maintenu) dans sa réforme et avoir cotisé pour un salaire correspondant au Smic.

Comme le note le Collectif nos retraites, qui rassemble des experts, chercheurs et fonctionnaires, dans l’étude d’impact du gouvernement, cet âge pivot est fixé à 65 ans pour toutes les générations. Or, en réalité, il est prévu que cet âge augmente en même temps que l’espérance de vie. Il devrait donc être plus élevé pour les générations éloignées, dégradant ainsi le niveau de leurs retraites par rapport aux résultats des cas types publiés.

 

Ces cas types montrent en outre que l’amélioration affichée des pensions pour les personnes à bas salaire suite à la réforme provient uniquement du fait qu’elles bénéficieront à l’avenir de ce minimum de retraite plus généreux. Si elles souhaitent partir en retraite à 62, 63 ou 64 ans, donc sans pouvoir prétendre à cette pension minimale, leurs retraites seront au contraire inférieures avec le nouveau système à points à celles qu’elles auraient touchées dans le système actuel.

Cette fameuse pension minimale à 85 % du Smic n’a cependant rien à voir avec le passage à un système de retraite à points. Elle est déjà prévue depuis la réforme des retraites de 2003 mais n’a pas encore été mise en place. Elle aurait donc pu (et pourrait toujours) être mise en œuvre dans le cadre du système actuel, sans attendre 2035…

 

BUG SUR LES MÈRES DE FAMILLE

L’étude d’impact du gouvernement précise par ailleurs que la part des dépenses de retraite destinées à compenser les périodes de maladie et de chômage sera plus faible après la réforme que dans le système actuel. Il n’y a pas de miracle : cela signifie forcément que ces aléas de la vie seront moins bien pris en compte dans le futur système à points.

De même, le gouvernement répète à l’envi que les femmes seraient les grandes gagnantes de la réforme, grâce notamment aux changements qu’il propose en matière d’avantages familiaux : une augmentation de 5 % de la retraite d’un des deux parents pour chaque enfant avec un bonus de 2 % pour le troisième enfant. Mais, comme l’a pointé la journaliste Catherine Gasté dans les colonnes du Parisien, le gouvernement a supprimé les cas types de mères de famille de son étude d’impact entre la version intermédiaire, qui avait fuité mi-janvier, et celle qui a été rendue publique finalement le 24 janvier. Ces simulations avaient en effet un gros inconvénient : elles montraient exactement l’inverse du discours gouvernemental. Les pensions des femmes ayant deux enfants étaient en effet inférieures dans tous les cas dans le système futur si elles ne partaient pas en retraite au-delà de 65 ans…

 

EXIT LES TRÈS HAUTS SALAIRES

À l’autre extrémité de la distribution des pensions, la baisse des retraites maximales est, elle aussi, le fruit d’une décision qui n’a rien à voir avec le système à points : le gouvernement veut exclure du système les salaires supérieurs à trois fois le plafond de la Sécurité sociale (soit 123 408 €uros par an en 2020), au lieu de huit plafonds de la Sécu (soit 329 088 €uros) dans le système actuel. Mécaniquement, le niveau des retraites les plus hautes va donc chuter dans le futur, d’où la baisse des ratios d’inégalités estimée précédemment.

Dans l’immédiat, cette mesure va cependant créer un besoin de financement supplémentaire de l’ordre de 3,8 milliards d’€uros par an, parce qu’il va falloir continuer à payer les pensions des retraités dont les salaires allaient au-delà de trois plafonds sans plus disposer désormais des recettes correspondantes. D’où un trou de quelque 70 milliards d’€uros sur vingt ans dans les caisses du système de retraite, selon les calculs de l’Agirc-Arrco.

 

En matière de justice sociale, ce choix peut cependant se justifier, même s’il présente l’inconvénient de faire perdre au système de retraite son caractère universel. Inclure les très hauts salaires dans le système revient en effet à obliger les entreprises à verser des sommes importantes au titre des cotisations patronales pour financer ces retraites. Des cotisations qui sont en outre déductibles du bénéfice des entreprises et viennent donc amputer les impôts qu’elles versent à la collectivité.

Les exclure peut certes être considéré comme un cadeau aux entreprises, qui économisent ainsi 3,8 milliards de cotisations sociales par an, mais pas du tout comme un cadeau aux salariés les mieux payés, au contraire : ils devront désormais s’assurer par eux-mêmes, s’ils souhaitent bénéficier d’une retraite supplémentaire au-delà des droits que leur donnent leurs premiers 120 000 €uros. Mais, là encore, une telle mesure pourrait parfaitement être mise en place dans le cadre du système actuel de retraite, si on le souhaite.

 

DOUBLE BONUSPOUR LES CADRES SUP

A contrario, les cas types fournis par le gouvernement dans son étude d’impact montrent que les seuls qui tireront un avantage significatif de ce changement de système dans tous les cas de figure seront les salariés les mieux payés, tant que leur salaire n’excède pas 120 000 €uros par an. Ils seront en effet gagnants à coup sûr par rapport au système actuel, même s’ils partent en retraite dès l’âge de 62 ans. Ce résultat peut sembler surprenant, puisqu’on considère habituellement que le système à points serait plus défavorable aux carrières ascendantes que le régime par annuité de la retraite de base du secteur privé.

Mais, en réalité, ce n’est pas ce régime de base qui définit le niveau de retraite des cadres les mieux payés : leurs salaires excèdent généralement depuis longtemps le plafond de la Sécurité Sociale (41 136 €uros par an), qui définit le seuil au-dessus duquel la retraite de base n’augmente plus. C’est plutôt le système de retraite complémentaire de l’Agirc-Arrco, qui est déjà un système à points.

Or, ce régime complémentaire, fortement raboté ces dernières années pour le ramener à l’équilibre, combiné au régime de base, est visiblement moins généreux pour les salaires les plus élevés que ne le sera le futur régime à points. D’où le résultat qu’affiche le gouvernement : tant qu’ils restent en dessous de 120 000 €uros par an, les cadres sup seront en fait les grands gagnants de l’opération. D’autant qu’ils profiteront bien souvent également de la mise en place de l’âge pivot. Celui-ci leur permettra de ne pas avoir à travailler jusqu’à 67 ans pour toucher une retraite à taux plein quand ils ont fait de longues études, comme c’est le cas dans le système actuel. Un double bonus. Autant de raisons de penser que le futur système, loin de réduire les inégalités, risque au contraire de les augmenter.

 

Date de dernière mise à jour : lundi, 02 mars 2020

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